Valérie Lang, débit haletant et souffle court, traverse la scène à pas comptés, avec une infinie lenteur. Silhouette fragile, plongée dans la pénombre, elle est Phèdre, héroïne magnifique, amoureuse implacable que rien ne détourne de la passion qu’elle nourrit pour son beau-fils Hippolyte, beaucoup plus jeune qu’elle.
Valérie Lang, littéralement, habitée par son personnage, lui insuffle sa fougue rentrée, sa diction parfaite, elle-même indestructible, sourde au chaos environnant. Car, la mise en scène de Christine Letailleur alterne le noir profond et le rouge sang quand la dictature, celle des colonels grecs dans les années 1970, fait irruption au beau milieu de la tragédie antique. Rien d’incongru ni de démonstratif. Letailleur joue sur la transparence, les clairs-obscurs pour faire apparaitre les images d’un peloton d’exécution ou d’une maison en flammes. Le drame intime et celui du monde se télescopent. La scène devient tableau de maître, digne des ténèbres sanglantes d’un Caravage. Face au personnage immature et précieux d’Hyppolite (Laurent Cazanave), cette Phèdre sensuelle, à la fois macabre et d’une beauté sidérante, bouleverse, par sa détermination à affronter les interdits. Jusqu’à la mort qu’elle toise sans ciller.