Écrit sous forme d’un journal de bord, le texte dessine les pérégrinations d’un jeune universitaire afghan, à travers l’Europe : Amiens, Paris, Berlin, Vienne, Budapest et invite à voir de très près une existence empêchée par le labyrinthe bureaucratique et, aussi, le chevauchement de l’intime et du politique dans tout ce qu’un migrant entreprend.
L’auteur dessine une géographie de l’itinérance qui invite à mesurer la distance entre une ville de provenance, Kaboul, déjà lointaine, presque effacée, et une destination inatteignable, fuyante, inhospitalière et parfois menaçante. Un manifeste très particulier, qui contourne toute vérité imposée, l’ironie chassant tout soupçon de lamentation, et laisse éclore un irrésistible désir du monde.
Carnets de galère est un seul à scène adapté à tous lieux : théâtres et hors les murs. Il a été sélectionné dans le cadre de la Piste d’Envol et lu en public au Théâtre du Rond-Point à Paris en mars 2023, et créé au festival Off d’Avignon du 9 au 26 juillet 2023 au « 11 • Avignon » (Lycée Mistral).
Christine Letailleur a découvert et adapté les lettres adressées par Julie de Lespinasse (1732-1776) au comte de Guibert. Fascinée par cette littérature qui témoigne d’un caractère hors des normes de son temps, elle s’est penchée sur la vie de cette femme : fille illégitime, marquée par une enfance malheureuse, dont l’intelligence et le charisme feront de son salon parisien l’un des plus célèbres de l’époque − où dialogueront d’Alembert, Condorcet, Diderot. Au sommet du succès, elle fuit la société. À 40 ans, loin de renoncer à l’amour et à la sexualité comme le voudraient les mœurs de son époque, elle s’éprend du comte de Guibert, de dix ans son cadet. Il est ici question des dernières années de sa vie où Julie aimera jusqu’au bout comme elle l’entend : « avec excès, avec folie, transport et désespoir ».
Debout à l’avant-scène, Suzanne et Robert évoquent leur enfance marquée par le combat de leur mère dont les projets furent ruinés par la corruption de l’administration coloniale. Arrivée en Indochine en 1912 comme enseignante, Marie Donnadieu arrondit ses fins de mois en jouant du piano dans un cinéma de Saïgon.
Grâce à ses économies, elle obtient en concession des terres pour les cultiver. Mais chaque année la récolte est détruite par la mer. Cette histoire autobiographique déjà racontée dans Un barrage contre le Pacifique, Marguerite Duras la reprend pour en donner une version scénique avec L’Éden Cinéma. Sensible et finement construite, la mise en scène de Christine Letailleur nous plonge dans le clair-obscur de souvenirs d’autant plus touchants qu’ils sont à haute teneur émotionnelle.